« C’est vrai que j’ai besoin des aides à domicile mais elles m’emmerdent !!! »
Quelle est la situation ?
Cela fait quelques jours que j’hésite à publier cette phrase.
Les mots sont importants. Ils reflètent ce que vous êtes. Ils témoignent de votre perception de la réalité. Ils disent votre réalité.
Alors aujourd’hui, j’ai décidé de ne plus hésiter.
Ce mot qui va peut-être « choquer » certaines personnes est l’expression d’une réalité. Celle de Madame R. , 86 ans. C’est pour cette raison que j’ai choisi de ne pas me censurer et de rapporter ses propos sans les modifier.
En tant que bénévole d’une association qui lutte contre l’isolement, je rends régulièrement visite à Madame R.
Elle vit seule à son domicile, en fauteuil roulant et n’a aucune famille ni entourage proche.
Elle est totalement dépendante des aides à domicile qui passent 4 fois par jour pour lui permettre de continuer à vivre chez elle.
Alors oui Madame R. est une femme de caractère.
Ses propos sont extrêmes mais ils lui appartiennent. Ils sont l’expression de son ressenti. De sa réalité actuelle.
Elle s’adresse à moi sans filtre.
Elle se sent en confiance et me parle librement de son maintien à domicile et de la manière dont elle le vit.
Madame R. ne tient pas ce genre de propos directement aux aides à domicile (quoique ?).
Mais j’imagine que sa frustration doit se ressentir dans son comportement envers elles.
Qu’est-ce qui se joue ?
Comme beaucoup, rester le plus longtemps possible à son domicile est son vœux le plus cher.
Alors pourquoi cette colère contre les aides à domicile qui lui permettent de continuer à vivre chez elle malgré sa perte d’autonomie ?
Sa phrase résume à elle seule tout le paradoxe de l’aide à domicile !
Les bénéficiaires ont besoin de cette aide mais la redoutent car elle leur fait perdre leur « souveraineté dans leur royaume ».
« Elles arrivent en pays conquis. Je ne suis plus chez moi. »
Voilà. Tout est dit. Les propos crus de Madame R. décrivent le terrible sentiment de dépossession du domicile que ressentent (plus ou moins) certains bénéficiaires.
Bien sûr les propos de Madame R. sont à nuancer.
Ils n’appartiennent qu’à elle.
Ils ne reflètent pas la réalité de tous les bénéficiaires.
Fort heureusement, nombre d’entre eux ne ressentent pas (moins) cette frustration et vivent très sereinement le fait d’être aidés à domicile.
Pourquoi ces phénomènes ?
- Quelles sont les comportements des aides à domicile qui amènent Madame R. à être chez elle mais à ne plus se sentir chez elle ?
- Qu’est-ce qui amène les aides à domicile à avoir ce type de comportement ?
- Quelles sont les conséquences de la frustration de Madame R. sur les conditions de travail des aides à domicile ?
- Comment accompagner les aides à domicile afin de mieux laisser les bénéficiaires continuer à « être chez eux »?
Toutes ces questions nous animent régulièrement lors de nos formations.
Comment agir ?
Quelques pistes d’action et de réflexion parmi beaucoup d’autres :
- Aider les intervenants à domicile à adopter la juste posture en les formant davantage à la relation d’aide.
- Amener les responsables de secteur à cadrer davantage les comportements attendus à domicile.
- Réaliser davantage de suivi à domicile pour comprendre et développer la satisfaction des bénéficiaires.
Mon objectif à travers ce post n’est pas de remettre en cause le travail des aides à domicile (ni celui des responsables de secteur !).
Elles (ils) font ce qu’elles peuvent avec ce qu’elles ont ! Et parfois elles n’ont pas grand chose il faut le reconnaître !
Les aides à domicile sont souvent envoyées sur le terrain avec peu de formation et peu de temps à accorder aux bénéficiaires.
Le but est de ralentir le cercle vicieux pour commencer à le transformer en cercle vertueux.
Le bien-vivre à domicile des personnes aidées a un impact direct sur le bien-être au travail des aides à domicile. Et inversement.
Aider les personnes c’est les laisser être.